Cette carte-photo de 1912 représente les enfants de la petite classe accompagnés des deux instituteurs de l’école de Lacanau – celle de la ville, bien entendu, puisque le tout jeune quartier de l’Océan ne dispose à cette date que des cours dispensés par l’institutrice libre Antonia Guittard.

On reconnaît, immédiatement à gauche Léopold Tainturier, directeur de l’école de 1899 à 1923, dont nous possédons maintenant différents clichés. Mais c’est l’instituteur-adjoint situé à droite, au maintien impeccable, qui retient toute notre attention : il s’agit de Jean Capel, évoqué à plusieurs reprises dans Gravé dans la Mémoire et l’exposition 150 ans d’école publique, mais dont nous ne connaissions jusqu’à ce jour aucune photographie

Pour l’association, il s’agit, en obtenant ce document, de poursuivre la démarche entreprise en 2014 pour écrire l’histoire de l’instruction publique en pays landescot et rendre hommage aux « hussards noirs de la république » qui l’ont péniblement extirpé de sa misère intellectuelle. Rappelons que l’exposition, à présent itinérante, a vocation à s’enrichir de nouvelles recherches portant sur les communes dans lesquelles elle est présentée.


Cette photo a été réalisée le même jour que celles de la classe de Tainturier, présentée dans l’exposition, et de la classe de l’institutrice-adjointe Béatrix Guilgault, figurant page 208 de GDLM. Il ne manque plus, pour compléter cet ensemble, que la classe de Madeleine Labadesse, directrice de l’école de filles, qui fut nécessairement photographiée, elle aussi, ce 3 août 1912, juste avant les grandes vacances : nous connaîtrons ainsi les visages de tous les enfants de Lacanau qui virent, 2 ans plus tard jour pour jour, l’ordre de mobilisation générale leur enlever leur père, parfois définitivement.

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Jean Capel

Jean Capel

Rappelons brièvement l’itinéraire de ce jeune instituteur, fort considéré, resté 5 ans à Lacanau qu’il ne souhaitait d’ailleurs pas quitter, et qui fut le premier occupant, sur la place de l’église, de la maison Gorry aujourd’hui détruite, rachetée en 1909 par la commune précisément pour y loger les adjoints. Jean Capel, sur cette photographie, est âgé de 26 ans puisqu’il est né à Sousceyrac dans le Lot le 15 juillet 1886. Il a fait ses études à l’Ecole Normale d’Aurillac, avant d’épouser une institutrice, Noémi Cassan : après avoir été quelques semaines suppléant à Cissac-Médoc, il est installé à Lacanau le 1er mai 1909.

 « Son travail est méthodique et très consciencieux, écrit Tainturier. Une discipline douce mais ferme assure son autorité dans l’école ». Sa tenue, sa conduite, sont exemptes de tout reproche, et il est apprécié de la population, ce qui n’est jamais acquis, les landescots étant spontanément méfiants, sinon hostiles aux étrangers. Capel a aussi appris le violon dans sa jeunesse. De santé fragile (il souffre d’endocardite), il sera affecté pendant la 1ère Guerre dans les COA, sections chargées de la gestion du ravitaillement des armées. Il a quitté Lacanau juste avant le conflit, aussitôt la naissance de sa fille Simonne.

 Rentré dans le Lot, il est décédé à Calviac, près de sa commune natale, le 30 mars 1962, dans sa 76e année. Sa femme Noémi est décédée la même année.

C’est bien la classe de Capel, avec 29 enfants (dont, semble-t-il, une fillette pour tenir la pancarte), qui est représentée ici : celle de Tainturier, photographiée le même jour, est bien connue par ailleurs. Les enfants confiés à l’instituteur-adjoint ont vraisemblablement de 5 à 9 ans. Même si nous pouvons, en particulier grâce au recensement de 1911, reconstituer la liste probable des garçonnets qui y figurent, nés entre 1903 et 1907 (sachant que les enfants des villages n’étaient que rarement scolarisés avant l’âge de 7 ou 8 ans et qu’un doute peut planer sur la présence des plus jeunes), il est bien trop tard pour affecter à chaque visage le nom qui lui revient. Bornons-nous à citer quelques noms longtemps ou toujours portés dans la commune, pour le charme des prénoms d’antan en vogue à cette période : Georges Arnaud, Henri et Paul Blanc, Marcel Brun, Roger Constantin, Albert Dubos, Jules Duphil, Jean Duport, Albert François, Camille Gracian, Albert Guittard, Jean Lagune, Paul Lambert, Camille Maleyran, Robert Marian, Clément Mauvin, André et Noël Méoule, Elie Meynieu, Emile Pendans, Albert Quirac, Albert Seguin... sont tous, sans doute, présents sur ce cliché. C’est un travail de mémoire qui aurait pu être accompli dans les années 1980 / 1990 au plus tard.

Mais est-ce le plus important ? Les visages anonymes ont aussi leur puissance évocatrice, et cette photographie centenaire conserve toute sa valeur de témoignage.